(Message PNJ)
Les dernières caisses d’adamentine venaient d’être chargées sur le plateau du chariot lorsque l’alerte générale retentit soudainement. Une cohorte de soldats de la Sécurité Planétaire émergea aussitôt dans le spatioport, bloquant tous les accès. Comme toujours, un élan de panique gagna la foule, qui se pressa de trouver un endroit où se réfugier. Dockers, techniciens, mineurs, passagers...C’était la mêlée générale. Aux dernières nouvelles, les Royalistes avaient été mis en déroute à l’autre bout de la galaxie et le Roi était mort. Maintenant, la Sécurité Planétaire et l’armée s’activaient à nettoyer les dernières poches de résistances monarchistes, et apparemment, il y en avait malheureusement une sur Nao’Xu...
Elena Talin étouffa un juron quand un docker crasseux manqua de renverser son chariot et sa précieuse cargaison. Elle déverrouilla le frein magnétique et poussa tranquillement le chariot jusqu’à son vaisseau, posé non loin de là. Si les lieux étaient bouclés, ça ne servait à rien de courir, voir de fuir. Les agents de la Sécurité allaient effectuer un vaste contrôle sur tous les vaisseaux amarrés, fouiller de fond en comble les docks et le port de transit, arrêter les moindres suspects jusqu’à ce qu’ils tombent sur les éventuels Royalistes présents sur la lune de Ja. Et ça pouvait durée toute une journée...
Elle ne venait sur ce modeste caillou que pour les livraisons d’adamentine, qui rapportaient gros. Certes, la vue sur Ja valait le détour, mais ça s’arrêtait là. L’atmosphère était parfois si faible sur le satellite que certaines villes exposées étaient recouvertes d’immenses bulles protectrices. On envisageait même d’en installer une au-dessus du port de transit, où l’atmosphère diminuait dangereusement lorsque l’ombre gigantesque de Ja bouleversait le cycle des journées et des nuits.
Elena arriva finalement à destination, et arrêta le chariot au pied de la soute du
Sournois. Les puits de stationnement n’étaient pas de première jeunesse, et commençaient à manquer d’entretient. Une annonce retentit alors à travers les haut-parleurs du spatioport, ordonnant à toutes les personnes de se rendre immédiatement sur l’aire principale pour un recensement et un contrôle d’identité. Si quelqu’un était surpris à ne pas appliquer la consigne, il encourait de graves ennuis avec la Sécurité Planétaire de Nao’Xu. Mieux valait obéir et ne pas faire d’histoires, Elena ne se remettant que progressivement de son récent emprisonnement sur Yggdrasil. La contrebandière soupira et laissa à contrecoeur sa marchandise, prenant bien soin de verrouiller l’accès au puit. Les Royalistes n’allaient pas pouvoir s’en sortir, à moins qu’ils aient déjà prévus un plan de secours.
L’aire principale était pleine à craquer. Les agents de la Sécurité s’employaient activement à organiser au mieux les contrôles, renvoyant les usagers dans de longues files d’attente. La zone était quadrillée par les soldats, qui avaient même fait déplacer un imposant cargo pour disposer entièrement de l’aire. Un vacarme croissant régnait et Elena se retrouva coincée entre deux mineurs aussi malodorants que grossiers. Son esprit, parti vagabonder dans les méandres de sa mémoire pour passer le temps, fut attiré brusquement par le sujet de conversation des deux Olians.
"Excusez-moi messieurs, les interrompit-elle, mais que disiez-vous à l’instant sur Vogue ?
- Je disais que la station a mystérieusement disparu depuis plusieurs jours, on-ne-sait-comment ni pourquoi, répondit un des mineurs. Piouf, envolée, Vogue ! On ne parle que de ça sur l’Infoplan, en ce moment. Vous devriez regarder...
- Comment ça, "envolée" ? insista-t-elle pour couper court, cherchant à mieux comprendre.
- Eh ben oui, envolée, disparue, tout ce que vous voulez, quoi ! Vogue a sauté en hyperespace et on n’a plus de nouvelles d’elle depuis des jours. Des millions de personnes sont portées disparues, et une flotte spéciale a même été dépêchée par l’Etat-major pour enquêter.
- Beaucoup pensent à un sabotage, reprit l’autre. Des personnes se seraient infiltrées dans le noyau pour y reprogrammer une destination, quelque chose dans le genre. Sans doute ces fichus Révolutionnaires, y’a qu’eux pour faire ces coups là. (Il s’éclaircit la gorge.) Bon, vous avancez ou quoi ?
Elena sursauta et rejoignit rapidement l’autre moitié de la queue qui avait largement avancée entre-temps. La nouvelle l’intriguait au plus haut point. Mais que s’était-il donc passé ? Elle resta à réfléchir sur la situation pendant une bonne demi-heure, jusqu’à ce qu’elle arrive au bureau des contrôles. Pendant que l’agent vérifiait ses papiers, elle essaya d’obtenir plus de détails.
"Vous savez ce qu’il se passe, avec Vogue ?
- Pas plus que vous, mademoiselle, fit l’agent, lassé par l’interminable file d’attente. Une flotte est en train d’enquêter et ça n’avance pas vraiment, c’est tout ce que je peux vous dire.
- Et ici ? C’est à cause des Royalistes ?
- On va dire ça, oui. (Son regard se fit plus menaçant.) Vous savez quelque chose ?
- Non, non, rassurez-vous. J’essaie juste de m’informer un peu...
- Oui, je l’espère pour vous. (Il lui tendit ses papiers et reprit son expression déprimée.) Tenez, tout est en règle. Une annonce vous préviendra lorsque vous pourrez repartir et...
Une violente explosion déchira l’air, faisant trembler le bureau. Des flammes s’élevèrent d’un entrepôt voisin, situé à une centaine de mètres. Instinctivement, les soldats levèrent leurs armes et la foule se plaqua à terre. Des tirs en provenance de l’entrepôt sifflèrent tout près d’Elena, manquant de faucher les agents des contrôles au passage. Les soldats se mirent à couvert et répliquèrent, arrosant l’entrée de l’entrepôt. La contrebandière leva la tête pour essayer de voir leurs agresseurs, mais l’épaisse fumée générée par les flammes l’empêchait de distinguer quiconque.
"Ce sont les terroristes, abattez-les ! cria un des soldats.
Quelques instants passèrent avant qu’elle ne puisse apercevoir au loin plusieurs silhouettes se faire abattre par les hommes de la Sécurité Planétaire. L’échange de tirs continua encore trois bonnes minutes avant que le combat ne s’éloigne vers les zones de fret. Un bataillon de soldats se lança à la poursuite des Royalistes tandis que l’aire principale était bouclée. Six personnes étaient blessées, dont les deux mineurs qui étaient derrière-elle. Le sol vibra encore deux fois avant que le calme ne revienne. On annonça alors que les Royalistes avaient été arrêtés près des réserves de stockage d’adamentine au niveau inférieur, et qu’ils s’apprêtaient à les détruire dans leur fuite avec de puissants explosifs.
Elena réalisa au dernier moment que la scène s’était produite tout près du puit de son vaisseau. Elle frissonna à l’idée de voir le
Sournois et sa cargaison pulvérisés en quelques secondes par des fanatiques. Elle espérait que les derniers Royalistes seraient rapidement mis hors d’état de nuire car ils n’étaient vraiment pas bons pour les affaires, surtout en cette période d’incertitudes.
Malgré tout, les contrôles se poursuivirent interminablement et elle fut autorisée à rejoindre son puit d’atterrissage, une fois le barrage levé autour de l’aire principale. Elle regagna hâtivement sa corvette et chargea ses caisses d’adamentine à bord. Elle fut obligée d’attendre encore quatre heures que la Sécurité Planétaire annonce le déblocage du spatioport.
A cet instant, le
Sournois put enfin décoller et la contrebandière décida de s’occuper de Vogue une fois sa commande livrée sur Kalos. Elle avait l’étrange sensation qu’elle devrait retrouver la station-nomade au plus vite car quelque chose ne tournait pas rond, mais alors pas du tout...
